Plus de 12 milliards d’euros de dépenses en France sont directement liées à des maladies comme l’obésité et le diabète, notamment causées par une alimentation de mauvaise qualité selon le rapport "L'injuste prix de notre alimentation", publié le 17 septembre 2024 par le Secours Catholique – Caritas France, le Réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques.
Un constat qui pousse à reconsidérer nos politiques alimentaires et à investir davantage dans la prévention, en particulier auprès des jeunes générations, qui jouent un rôle clé dans la transformation des habitudes alimentaires en France.
Mais concrètement, en 2024, où en est-on sur l'éducation culinaire et alimentaire des jeunes ? Avec des modes de vie en pleine mutation, quelles initiatives l’État a-t-il mises en place pour aider les jeunes à faire des choix éclairés et adopter une alimentation saine ?
On fait le point.
Les Initiatives actuelles
Le Ministère de l'Éducation nationale a intégré la nutrition dans les programmes scolaires afin de sensibiliser les élèves dès leur plus jeune âge. Plusieurs dispositifs sont en vigueur pour appuyer cette démarche :
Le Programme National pour l'Alimentation (PNA): lancé en 2010, il propose une variété de contenus pédagogiques à destination des 11-15 ans afin de leur donner les outils pour mieux comprendre les enjeux nutritionnels et environnementaux liés à l’alimentation, tout en sensibilisant à son aspect durable.
La campagne "Manger Bouger", intégrée au Programme National Nutrition Santé (PNNS) depuis 2001, s’adresse principalement aux collégiens (12-15 ans). Elle propose des modules éducatifs autour de la nutrition et de l'activité physique, souvent intégrés aux cours de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) et d'Éducation Physique et Sportive (EPS).
Les "Classes du Goût", mises en place depuis 1974, s’adressent à des élèves dès l’âge de 6 ans (cycle primaire), mais s’étendent également aux collégiens (jusqu’à 14-15 ans). Ces ateliers pratiques permettent aux jeunes de découvrir les saveurs, de comprendre les bienfaits d'une alimentation équilibrée et de s’initier aux produits locaux.
Les défis rencontrés
Malgré ces initiatives, on observe que les connaissances théoriques ne sont pas toujours mises en pratique. Une étude récente de l’INCA 3 (Étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires) révèle que seulement 30 % des adolescents consomment les 5 portions de fruits et légumes recommandées par jour. De plus, des inégalités subsistent en matière d'accès à une alimentation saine. Selon l’Institut National de la Recherche Agronomique, les individus les plus diplômés et les plus aisés consomment deux fois plus de fruits et légumes que ceux en situation de précarité alimentaire. Cette disparité souligne l'impact des conditions socio-économiques sur les choix alimentaires et l'importance de rendre l'éducation culinaire accessible à tous.
Approches pédagogiques
Se pose alors la question de l’éducation culinaire à l’école comme levier pour faire adopter aux jeunes enfants et adolescents de bonnes habitudes alimentaires.
Depuis les années 2000, des projets locaux et régionaux ont vu le jour, souvent en partenariat avec des collectivités, des associations et des établissements scolaires, afin de compléter l’aspect théorique des initiatives gouvernementales par une dimension pratique et engageante.
A l’instar de La Tablée des Chefs, qui propose des ateliers d’éducation culinaire pendant toute l’année scolaire dans des collèges situés pour la plupart en zones REP et REP+ (Réseaux d'Éducation Prioritaire). L’approche est de proposer des ateliers ludiques et expérientiels aux jeunes afin de les éduquer aux bases d’une alimentation saine, et de mettre en pratique ces connaissances grâce à l’apprentissage des techniques culinaires de base par des chefs bénévoles.
Actuellement déployé dans 35 collèges, le dispositif est intégré au programme scolaire des établissements SEGPA, soit 25 collèges, contrairement au volontariat sur le temps extra-scolaire appliqué dans le reste des établissements.
Un premier pas vers la collaboration avec l’Éducation Nationale sur cet enjeu majeur.
Vers un avenir plus sain
Pour que l'éducation culinaire produise des résultats durables, une collaboration étroite entre tous les acteurs de la société est indispensable. Le gouvernement, les collectivités locales, les enseignants, les associations et, bien sûr, les parents, doivent s'unir autour d'une vision commune : intégrer l'éducation alimentaire et culinaire dans les programmes scolaires au même titre que l'éducation physique et sportive, adoptée dès 1880 en milieu scolaire. Il faut aller plus loin en repensant les méthodes pédagogiques pour les adapter aux réalités des jeunes d’aujourd’hui, tout en tenant compte des enjeux sociaux, culturels et économiques qui influencent leurs habitudes alimentaires.
Les collèges, en tant que lieux d’apprentissage mais aussi de socialisation, ont un rôle central à jouer. Ils ne sont pas seulement des espaces où l’on transmet des connaissances théoriques, mais des lieux où l’on forme les consciences, où l’on forge les comportements.
L’enjeu est de taille : il ne s'agit pas uniquement de préparer une génération plus en forme, mais de semer les graines d'une société plus consciente, plus responsable face aux défis alimentaires mondiaux.
En changeant les habitudes alimentaires dès le plus jeune âge, en développant un véritable sens critique vis-à-vis des choix nutritionnels, c’est toute une vision de la santé publique qui peut être transformée.