Panorama de l’éducation culinaire dans le monde
- charlottedefrasne4
- il y a 12 heures
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À l’heure où les habitudes alimentaires évoluent rapidement, où les produits transformés envahissent les assiettes et où l'obésité infantile progresse, il devient essentiel d’éduquer les jeunes à bien manger.
Et quel meilleur lieu que l’école pour transmettre ces savoirs essentiels ? Le milieu scolaire, structuré, universel, est un terrain fertile pour intégrer cette éducation à la fois théorique et pratique.
L’éducation culinaire, ce n’est pas simplement apprendre à cuisiner. C’est acquérir des compétences concrètes pour choisir, préparer, et comprendre ce que l’on mange. C’est aussi un levier puissant pour promouvoir une alimentation plus saine, plus consciente et plus responsable — pour la santé des individus comme pour celle de la planète.
En France, plusieurs initiatives existent déjà, portées d’un côté par l’Etat, souvent de manière trop théorique pour influencer durablement les comportements alimentaires, et de l’autre par le monde associatif, à travers des actions locales.
Mais pour rendre l’éducation culinaire accessible à tous, il reste encore un cap à franchir. Il est intéressant de voir comment d’autres pays ont su intégrer l’éducation culinaire dans leur système scolaire : à travers quelles politiques publiques, quels dispositifs et pour quel impact.
En Finlande : des repas scolaires gratuits comme outil d’éducation alimentaire
En Finlande, les repas scolaires gratuits sont garantis à tous les élèves depuis 1948, faisant du pays un pionnier mondial en la matière. Ce système repose sur l’idée que bien manger est un droit fondamental et une condition essentielle à la réussite scolaire. Chaque jour, environ 900 000 élèves bénéficient d’un déjeuner complet, équilibré et chaud, financé par l’État et les municipalités.
Au-delà de l’aspect nutritionnel, le repas est conçu comme un moment éducatif.
Depuis 2004, les autorités éducatives finlandaises ont renforcé l'intégration de la dimension alimentaire dans le programme scolaire, notamment à travers les cours d’économie domestique, dispensés dès le secondaire. Les élèves y apprennent à cuisiner, à planifier des repas, à comprendre les étiquettes alimentaires, et à adopter des comportements durables (réduction du gaspillage, choix responsables, etc.).
Selon le site officiel Education Finland, les repas scolaires contribuent à améliorer les habitudes alimentaires, à réduire les inégalités sociales et à favoriser la concentration en classe.
Au Japon : le Shoku-iku, ou l’art d’éduquer à bien manger dès le plus jeune âge
Depuis 2005, le Japon a inscrit l’éducation alimentaire (Shoku-iku) dans la loi, dans une démarche avant tout préventive. Si le pays affiche historiquement une alimentation saine et un faible taux d’obésité, les autorités ont voulu réagir face à l’émergence de nouvelles habitudes problématiques — consommation accrue de produits transformés, repas déséquilibrés, perte de repères culturels et montée des repas pris seuls.
Cette politique nationale vise à transmettre aux élèves des savoirs nutritionnels, pratiques et culturels sur l’alimentation, en lien avec la santé publique et le bien-être.
L’éducation alimentaire est intégrée dès l’école primaire voir la maternelle et se poursuit au collège et au lycée, à travers plusieurs matières (sciences, économie familiale, éducation à la santé) et des séquences pédagogiques régulières. En complément, le repas du midi devient un moment d’apprentissage à part entière : les élèves mangent en classe, participent à la distribution, apprennent la politesse à table, la reconnaissance des aliments et la gratitude envers ceux qui les produisent. Des enseignants spécialisés en nutrition accompagnent ces actions en animant des ateliers et en formant les équipes pédagogiques.
Ce programme, généralisé dans l’ensemble des écoles publiques, a eu un impact mesurable non seulement sur les habitudes alimentaires des enfants, mais aussi sur celles de leurs familles. On observe une consommation accrue d’aliments sains comme le poisson, les œufs ou les produits laitiers, ainsi qu’une amélioration des comportements à table.
Au Royaume-Uni : une réforme ambitieuse au service de la santé publique
Depuis 2014, l’enseignement de la cuisine et de la nutrition est obligatoire pour les élèves de 5 à 14 ans dans les écoles britanniques, dans le cadre du programme Design and Technology du National Curriculum. Cette réforme découle du School Food Plan de 2013, visant à améliorer l’alimentation scolaire et à lutter contre l’obésité infantile. Les cours, généralement d’une heure par semaine, permettent aux élèves d’apprendre à cuisiner des plats équilibrés tout en abordant la nutrition, l’hygiène alimentaire et la gestion des ressources. Les enseignants reçoivent une formation spécifique et des ressources pédagogiques sont fournies par le gouvernement.
Une revue de 21 études, publiée en 2024 dans Appetite, montre que ces cours augmentent la consommation de légumes de 0,25 portion/jour et améliorent les compétences culinaires (+0,39 point), notamment dans les programmes de plus de 6 heures.
En Australie : du potager à la cuisine
Le programme Stephanie Alexander Kitchen Garden, lancé en 2004 par la chef Stephanie Alexander, combine jardinage et cuisine pour enseigner aux enfants des compétences pratiques en matière d’alimentation saine et de durabilité. Bien qu’il ne soit pas directement mis en place par le gouvernement, il bénéficie de soutiens publics et est implanté dans plus de 1 000 écoles primaires à travers l'Australie, touchant plus d’un million d'enfants.
Destiné aux élèves de 8 à 12 ans, le programme propose des sessions hebdomadaires de jardinage et de cuisine.
Accessible aux écoles publiques et privées, le programme sensibilise les enfants à une consommation responsable et à la gestion des ressources.
87 % des parents déclarent avoir constaté un changement dans les choix, les connaissances ou le comportement alimentaire de leur enfant grâce au programme et 67% estiment que l'expérience en classe soutient d'autres apprentissages ou compétences de vie.
Quel avenir pour l’éducation culinaire en France ?
Ce panorama met en lumière les nombreuses manières d’intégrer l’éducation culinaire dans le parcours scolaire à travers le monde. Que ce soit par des initiatives institutionnelles, des programmes associatifs ou des lois nationales, chaque pays adapte ses actions en fonction de son contexte éducatif et culturel.
En France, une riche culture culinaire et un réseau d’acteurs engagés — écoles, collectivités locales, professionnels de la restauration, agriculteurs — existent déjà. Cependant, pour que l’éducation culinaire devienne un pilier de la formation des jeunes, il est crucial de favoriser la collaboration entre ces différents acteurs.
Les initiatives actuelles, souvent ponctuelles et inégalement réparties, souffrent d'une accessibilité et d'un impact limité sur l'ensemble de la population car les objectifs éducatifs ne sont pas alignés entre tous les acteurs.
L'État doit donc s'emparer du sujet et poser un cadre structuré avec des lois, financements etc etc, à l'instar des modèles internationaux cités précédemment, afin de faire de l'éducation culinaire un véritable levier de santé publique, d'autonomie et d'inclusion.
L’enjeu est de faire de la nutrition et de la cuisine des compétences fondamentales, accessibles à tous les jeunes, indépendamment de leur milieu social ou géographique. Cela permettrait non seulement de répondre aux défis de santé publique, mais aussi d’accompagner les jeunes générations vers l’autonomie alimentaire, et de protéger l’environnement en les sensibilisant à une alimentation plus responsable.